J’aime Goya, j’aime le désespoir de l’Espagne. J’aime Picasso, vivre en dehors de son temps. J’ai peint près d’un an en Andalousie, près de Cadiz, à Chipiona, dans l’atelier de Julio Fernandez Ceballos, mon maître. Cela me manque, du moins, je le pense. Peut-être est ce manque qui me permet de peindre ce que je suis aujourd’hui. Allez voir un artiste qui n’a pas besoin de reconnaissance !? Si un jour vous le rencontrez, regardez-le bien, regardez-le bien de loin, car vous verrez l’artiste, l’artiste face à lui-même qui se croise entre ses cornes et qui n’arrête pas de se vaincre – seul – un artiste sans reconnaissance c’est une personne qui ne reste pas maître de sa vie. Chaque jour une vague tueuse ravage les rives de ses ambitions.
La crise n’est qu’un trou d’air, l’artiste n’a plus de patrie, toutes les nationalités lui sont bonnes, il bouge, il doit bouger pour subsister…Je déclare que l’œuvre est un miroir adapté à chacun mais en aucun cas le monde qui s’y réfléchit. L’idée ou l’inspiration c’est le rejeton de l’œuvre. Moi, je peins par nature pour imiter l’ART sur un fondement de liberté sans arrière-monde, sans nostalgie, je peins à venir comme un second prolongement du futur. L’image n’est pas l’actualité, mais simplement le projet culminant du mythe de l’œuvre. Derrière le sentiment que je puisse donner un tant soit peu de la réflexion dans la naïveté de mes tableaux, mon art n’existe ni de l’intérieur et ni de l’extérieur. Il est juste là en surface n’obéissant à aucune loi, sans mesure, restant intacte et immobile en représentation sensible.
Plus que l’artiste…
Mes toiles débordent sur le silence pendant que les pinceaux me guident à l’intersection d’un monde imaginaire. Plus rien n’est comme hier. Le temps patine sa propre ombre de lumière. Les couleurs glissent comme des larmes de rosée. La peinture me tient en joue. J’attends le tir, j’attends le bout. L’illusion complète du rêve me tend la main, je la coupe avec du rouge et la cerne avec du bleu, m’agrippe à des éclats de mémoire. Je fouille dans la palette comme je fouille dans ma vie les couleurs qui me restent… La toile avance telle une montagne qui n’arrête pas de grandir…Le tableau est là !
Je peins
« Radicalement je peins. C’est absolu. Je peins. La peinture ne devient pas et ne sera jamais littéraire. Le peintre s’orne de couleurs tel une offrande. Dans son unique idéal, l’idée de l’art est sacrée. C’est donc en parfait amour et en parfaite peine qu’en artiste rigoureux, je peins. Mon talent est formel et ne veut apporter aucune contribution à la tradition légitime que les ateliers d’art veulent transmettre. Je suis un pur autodidacte, avec ses tendances bien sûr, et parfois certaines influences…. Mais si déformations il y a, je ne tiens mon art d’aucun héritage et je le proclame avec un dilettantisme vainqueur… »
Ma liberté
« Je suis pris à mon propre jeu que je nomme finalement ma liberté et je m’invente chaque jour de nouvelles règles pour être sûr de ne pas devenir l’objet que je traite. La règle est simple : il faut juste rester fidèle à soi-même. Alors on emboîte les notes comme on emboîte les couleurs sur la toile, la liaison d’une couleur à l’autre, l’accumulation des gestes précis , variables, pour donner une impression plus ou moins éclatante, brillante et sardonique. Entendre les couleurs comme on entend la musique… Toutes les couleurs ont une note allant du grave vers l’aigu. La couleur est un lieu habité par un son.»
Peindre avec le ventre
« Je voudrais chaque jour créer une oeuvre capable de nous arracher des larmes ou de nous rendre tout à coup légers, confiants et heureux… Faire de la peinture plus sensible encore, une peinture capable de nous troubler, de modifier notre manière habituelle et routinière de regarder la réalité… Je peins avec quelque chose qui est de l’ordre de l’intuition, de l’émotion… Peindre avec le ventre, peindre sur cette route qui n’est nulle part ailleurs qu’en soi-même. »
Francky Criquet