SUIVRE LES LIGNES DU MONDE…
Peut- être que tout a commencé là, sur ce rivage de Mer de Chine que l’on appelait le cap Saint Jacques, je devais avoir neuf ou dix ans. Je découvris une limule sur le sable, mon effroi fit place à ma curiosité, puis à mon émerveillement face à cette forme vivante, si étrange, venue d’un autre temps.
Ce contact inaugura pour moi ce sentiment profond d’habiter un Monde, ou plutôt un perpétuel Nouveau Monde qu’il me fallait explorer.
Depuis je reviens toujours au rivage, vers cette lisière, cette frange. Ramasser une algue luisante d’écume, une pierre, un fragment de corail pour m’en faire des alliés. (…) C’est dans ce flux et reflux que s’opère mon travail plastique. Après cette collecte, ce corps à corps, cette nécessité d’une résonance, vient le temps de l’atelier.
Par la gravure et l’empreinte, par métamorphoses successives je reçois, je transforme, je partage. La plaque ou la pâte se creuse alors, les matrices se déploient, s’incurvent tel un creuset d’où surgirait une image. (…) Au-delà de l’apparence, la trace. (…)
Dès lors mes papiers deviennent comme un lieu de passage, un instrument de vision, témoignant de cette émergence éblouie.
Ils tentent de transmettre une expérience, au-delà des mots, de parler d’une immanence, d’un certain chant de la terre face au saccage de notre unique vaisseau.
Angers-Bahia-2004
Dominique Rousseau (extrait)