Claire Alary

J’aimerai partir sac au dos où bien avec juste un balluchon, à l’ancienne. Je partirai sur les routes en tapant mon bâton sur la terre des chemins. Ce serait une image très romantique qui me plairait assez.

En attendant je reste un pied ici et l’autre là. Position assez inconfortable où confortable selon les jours et mon humeur.
Les mots… Quels mots et que dire…
Sur la toile j’ai parlé de ce que je connais le mieux, mes rêves et j’ai pensé mort, couple, sexe, danse et toujours le voyage, mon voyage intérieur.
J’ai pensé aux vigiles, ces hommes petits et frustres qui nous montrent la voie.
Non pas les illustres, les savants mais la cohorte des simples, des simplets et des différents,
ceux qui signent l’humanité dans sa diversité.
Ce sont eux qui nous guident en aveugle et nous partons à l’aventure «à l’égaillée», si fragiles dans nos barques de papier.

Vogue, vogue les petites barques qui ballottent comme des coquilles de noix éparpillées. Je les imagine dans le courant sans gouvernail et sans voile et ils flottent et surnagent. «Il y a des moments où l’on doit juste garder le cap et faire la planche» disait ma mère.

Attendre, peut-être et agir en creux, à l’envers. Etre soi.
Chercher à être soi est déjà un travail à plein temps. Tant mieux pour ceux qui font de grandes et belles choses.

Je les regarde, je reste sur le bord, sur la rive, entre-deux , un pied ici et l’autre là.

Claire Alary, Savennières, le 1 juin 2018.

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Monique Josse

Formée à l’école des Beaux Arts d’Angers et de Nantes, Monique Josse expose depuis 1980 notamment à Paris, galerie Pierre Marie Vitoux et galerie Attali. Elle a eu en 2001 une exposition au musée Joseph Denais à Beaufort en Vallée et en 2005 une importante exposition au Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes.

Le travail d’un artiste se construit en partant de l’observation du monde qui l’entoure. C’est en observant les réactions de peur et de dégoût que provoque la vue du corbeau que Monique Josse s’est intéressée de plus près à ce «drôle d’oiseau». Cet oiseau chargé de connotations négatives dans l’inconscient collectif, oiseau «de mauvaise augure» que l’on retrouve à travers la mythologie, la littérature et les légendes populaires.

Elle est partie d’un enquête personnelle en adressant un courrier à une centaine de personnes. Les soixante quinze réponses auront été une base de réflexion et d’étude. Puis comme une scientifique, elle a commencé par observer, se documenter, photographier. Et c’est en s’inspirant de ses recherches que Monique a construit une œuvre étonnante qui met en relation l’art et la science.

Elle a ainsi créé son propre univers insolite et fascinant autour de cet oiseau et décline le thème du corbeau au travers d’installations et de réalisations plastiques en utilisant une grande diversité de techniques et de matériaux.

Monique Josse recrée l’environnement du corbeau notamment celui de sa région prêt de la Loire. Elle nous montre ses peupleraies, les œufs des corbeautières, en utilisant les éléments de la ruralité Angevine.

Au travers du sujet du corbeau, Monique Josse exprime ce que l’homme a de plus énigmatique et d’ambigu. Au-delà des caractères scientifiques, l’artiste a sa propre vision des corbeaux et révèle d’autres aspects liés à ses animaux notamment leur relation avec l’homme. Elle nous emmène à réfléchir à nos comportements individuels et sociaux. Cet oiseau symbole de l’étranger nous ramène à notre comportement social, notre peur vis-à-vis de l’autre de l’inconnu, peur souvent basée sur la méconnaissance, l’ignorance, la différence.

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Pauline Bourguignon

Belge d’origine, je suis installée en France depuis janvier 2015. Diplômée en Belgique d’une licence en stylisme/modélisme et d’un master en Design Textile, la matière est pour moi un langage qui m’offre d’exprimer l’indicible, de raconter l’ineffable. Durant plusieurs années j’ai travaillé au Sénégal avec des artistes et des créateurs, mais également avec un village artisanal au coeur du Sahel. Sensible à la diversité humaine et au langage de l’image et de l’apparence, j’ai souhaité utiliser l’habit et la matière comme support d’expression.

Aujourd’hui, mon travail se situe dans trois dynamiques qui se répondent et se complètent : la création ou l’installation d’œuvres d’art textile, la conception de vêtements sur mesure en vue d’habiller et d’habiter nos corps et nos singularités, ainsi que la transmission à travers des ateliers et des formations amateurs et professionnelles.

Cette exposition est un hommage à la Vie et à tous ses mouvements, l’expression du mystère qui lie le Un au multiple et le multiple au Un. Ces dalles de matières sont comme des clichés rapportés d’un voyage intérieur qui racontent la rencontre des différences. Les tissages circulaires, tels des matrices deviennent des témoins de ce qui relie et unit.

Les matières premières utilisées sont toutes issues d’une dynamique de récupération amenées à vivre une seconde vie. Les dalles sont réalisées avec des chutes de tissus provenant d’un village artisanal au coeur du sahel sénégalais, et les tissages circulaires sont créés avec des fins de production de fils provenant d’une entreprise de tissage haut de gamme française.

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Muriel Bordier

Ce qui est d’abord frappant chez Muriel Bordier, tient dans cette évidence : elle « colle » à son époque, que ce soit par ses choix techniques, ses thèmes et les problématiques qu’elle met en avant. Elle nous interpelle avec un humour parfois léger, grinçant ou une gravité qui révèle la profondeur de sa réflexion au-delà de l’anecdote. Muriel Bordier met en scène notre modernité pour mieux en soulever les aberrations, les ridicules, les violences, les absurdités et les carences. Elle s’intéresse à ses contemporains et paraît les mettre sous un microscope, pour mieux les observer. Ce recul est capital en ce qu’il révèle le regard justement distancié de l’artiste. Ses représentations humaines sont de la sorte volontairement de très petites tailles mais souvent individualisées, ce qui pourrait s’avérer contradictoire alors qu’en réalité c’est une vraie bonne idée. Comment aborder en effet ces individus personnalisés qui pourraient être nos voisins, des membres de notre famille, face à l’immensité de l’espace qui les contient ? Gagnent- ils ou perdent-ils leur humanité avec leur identité ? Peut-on encore parler d’humanisme quand ces êtres bien réels évoluent dans des sortes de boites que l’artiste observe telle une entomologiste ? On se promène dans les œuvres de Muriel Bordier pour découvrir ces détails qu’on ne perçoit pas à priori et l’on sent qu’on est baladé par l’artiste qui aime faire des pieds de nez à ses contemporains et à nous, par la même occasion.

Le rapport de l’artiste avec son époque est d’abord affaire d’espace, un espace qu’elle maîtrise avec beaucoup de soin. Ses espaces sont monumentaux, qu’il s’agisse de piscines ou d’Open Space. Elle va jusqu’à en montrer les reflets, ténus. En démiurge qu’elle est de son monde, elle instaure ainsi une sorte de théâtre dans lequel elle disposera ses personnages pour suggérer une situation porteuse de sens, ou, le comble de tout, des situations

surréalistes lorsqu’elle touche à l’absurde. Il en est ainsi de ses nageuses, presque mécanisées. L’espace de Muriel Bordier est un espace actuel de part sa monumentalité, et, aseptisé, quand il ne sent pas carrément le chlore. Il constitue aussi une sorte de temple austère de notre modernité, du capitalisme en col blanc avec ses accessoires comme les petits ou grands écrans d’ordinateurs. La série des Open Space est d’une gravité voulue. L’espace est traité en un clair-obscur admirable qui donne une intériorité à ces scènes. Ces œuvres sont intelligentes en ce qu’elles savent réconcilier le passé et le présent dans une réussite évidente. Cet espace est en réalité une sorte de cathédrale laïque dans lequel on sent que l’homme moderne est peu de chose. Muriel Bordier va d’ailleurs jusqu’à baptiser l’une de ses œuvres « l’Annonciation ». Elle représente aussi une réunion qui a tout de la « Cène » de Vinci. Quant au conférencier, il évoque un prêcheur mais qui prêcherait dans le désert, car, malgré ces thèmes bibliques ces espaces sont sans Dieu, et l’homme est peu de chose, ici, même s’il lui arrive de gesticuler.

Les moyens de Muriel Bordier puisent aussi dans un classicisme assumé. Il se traduit par l’expressivité des personnages, le jeu des gestes et des regards qui rappellent les grandes compositions à personnages multiples du XVIIème siècle. De même le choix du clair-obscur est dans la lignée d’un Caravage et de ses suiveurs. Notre artiste ne fait donc pas table rase de l’histoire de l’art. Elle ne se pose pas en opposition ou en rupture avec les siècles passés. Son œuvre s’inscrit au contraire dans un prolongement presque naturel qui devrait la rendre pérenne parce qu’elle lui donne une vraie universalité.

Céline Reymond, juillet 2017

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Yvon Daniel

Note de Jean Bazaine consacrée à Yvon Daniel

«Mon amitié pour Yvon Daniel, mon intérêt pour le peintre, remontent à bien des années, au cours desquelles il ne s’est guère passé une saison d’été sans qu’il ne vînt fidèlement à mon penty de Saint Guénolé, me montrant l’évolution de son travail, s’intéressant au mien avec une justesse sans flatterie dont je lui étais reconnaissant.

J’étais moi même sensible à la voie difficile qu’il avait choisie, et qui m’était proche, échappant à la tentation des modes, s’obstinant dans son effort pour élargir, approfondir ses rapports avec le monde, dans une transposition personnelle sans faiblesse.

C’est ainsi que j’ai pu voir son oeuvre s’épanouir, s’enrichir, dans une rigueur, une force, une continuité inventives.»

Jean BAZAINE 25 juillet 1997

Yvon Daniel est né le 30 Mars 1946 à Paimpol, il vit et travaille en Bretagne.

«Le peintre breton Yvon Daniel obtint son diplôme national des Beaux-Arts en 1971. Peu d’années après, il rencontre Jean Bazaine, l’un des peintres qui a le plus profondément marqué l’art français du siècle précédent. Cette rencontre a certainement déterminé la personnalité d’Yvon Daniel qui, sans choir dans l’inconcevable mimétisme, s’est engagé dans la voie difficile et délicate de l’intériorisation des sentiments, grâce au déploiement informel de son geste et de sa palette.»

André RUELLAN, critique d’art

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Jean-Jacques Pigeon

Abris à roulettes «Gimme shelter»

Questionner la notion d’abri, de refuge qui parcourt le monde depuis sa création ou presque, du moins dès l’apparition de l’animal.

De la vie utérine et jusqu’à la mort, il y aurait comme une nécessité vitale de se protéger, de mettre à l’abri son corps. Agressions du monde extérieur, de l’Autre. L’animal, comme l’humain, n’échappe pas à ce besoin de se réfugier dans un endroit protecteur. Et ceux qui ne le peuvent risquent de mourir, le corps exposé aux dangers du monde, les réfugiés, les « SDF », en sont des exemple navrants.

La recherche du refuge invulnérable, indestructible, est un sujet qui préoccupe aussi bien l’humain que l’animal (voir l’histoire enfantine des « Trois petits cochons » !) Il est ici question d’architecture, mais aussi de construction enfantine, de jouet même, les couleurs vives nous le rappellent.

L’abri sert à se cacher de l’autre, ne pas être vu, à protéger son intimité. Et quand il est à claire-voie, quand il est fragile, éphémère, qu’en est-il de la protection de soi, de son corps, de cette idée du voir, voir l’autre et être vu en même temps ?

Peut-on être à l’abri en période de conflit, de guerre, de terrorisme ? Le titre fait allusion à la célèbre chanson des Rolling Stones, « Gimme shelter » (donne-moi un abri) qui évoque la quête d’un abri pour se protéger, la difficile protection des enfants pendant les guerres.

Ooh, a storm is threatening
My very life today
If I don’t get some shelter

Ooh yeah I’m gonna fade away War, children
It’s just a shot away


(Oh, une tempête menace
Toute ma vie aujourd’hui
Si je ne trouve pas un abri
Oh yeah, je vais me volatiliser La guerre, les enfants

Tout ça à portée de tir)

Ces fragiles et dérisoires constructions à roulettes sont aussi des refuges qui peuvent se déplacer (difficilement). Elles posent la question du nomadisme alors que la sédentarité est dans nos contrées la règle.

Entre maquette et oeuvre monumentale, je laisse l’imaginaire du spectateur participer – des yeux – à ces modestes maisons à roulettes …

Croix de bois, croix de fer pour un moulin – installation in situ

La bâtisse de l’ancien moulin de Villevêque possède une particularité étonnante qui m’a interpelé : sur ces deux grandes façades, Est et Ouest, on peut voir une grande quantité de X et traits de tirants et chaînages qui maintiennent les murs manifestement endommagés. Il est habituel de maintenir les vieux murs de la sorte, mais ici la quantité dépasse la sobriété traditionnelle du genre. Ils sont certes discrets de part leur matière ferreuse et leur couleur grise, cherchant à s’effacer en vain dans la teinte des murs. Mon intention va être de les réveiller, de les révéler en leur en ajoutant de nouveaux.

Simplement collées sur le mur, mes croix ne servent manifestement à rien dans le maintien de ce mur, c’est une évidence. Je ne cherche pas une fonction architectonique dans mon intervention, je n’envisage même pas de faire illusion, non. mes croix et traits sont justes posés là !

C’est d’une autre utilité dont il est question. Mettre en relation les croix de fer solidement fixées et les croix de bois colorées au devenir incertain provoque un dialogue qui rend utile un geste artistique qui donne à voir autrement le moulin, qui ouvre l’esprit en laissant libre court aux diverses interprétations.

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Myriam Roux

Cheminer

Récolter bois et herbes
Chèvrefeuille, ronce, saule, jonc…
Prélever sans dénaturer
Et puis trier, cuire, écorcer, sécher, fendre, racler… Transformer la matière et l’apprivoiser
Temps de préparation, de latence, de maturation,
Et enfin entrelacer, nouer, coudre, enrouler… Imprégnation profonde et sensible de la mémoire collective
Hésiter, expérimenter, réinventer, explorer, oser Préserver et mettre en mouvement
Une écriture éphémère et éternelle, présente et intemporelle
S’étonner, rêver, résister, avancer et révéler
L’art de rien
Cheminer

Myriam Roux

Myriam Roux est plasticienne depuis 20 ans mais sa passion pour le tressage a débuté il y a une trentaine d’années par une imprégnation: appréhension de gestes et savoirs liés aux tressages traditionnels, alternance de rencontres, de compétences et d’expériences. De collectes en expérimentations, les plantes, leurs couleurs, leurs textures lui ont offert une palette aussi variée que les techniques d’assemblage.

Après avoir exploré les empreintes, le temps, notre rapport à l’Autre et aux autres, ses dernières recherches l’amènent à entrer dans le monde de l’infiniment petit mais extrêmement précieux à la biodiversité que sont les graines et les pollens. Supprimer le cadre, s’installer dans la nature lui permet d’être en cohésion encore plus étroite avec elle. L’œuvre finie, c’est la nature qui assure la continuité, poursuit l’histoire et donne à l’œuvre une nouvelle dimension.

Ce lien à l’éphémère comme une évocation poétique de la précarité de notre passage… Parallèlement à son travail de création, la transmission de savoirs sous forme de stages, ateliers de création, œuvres participatives, auprès de publics variés : enfants, handicapés, artistes en herbe… jalonnent son parcours.

+ d’infos sur myriamroux.com

JieM Bourasseau

Hier en un lieu…. Aujourd’hui ici….
Demain ailleurs, peut-être…

Ainsi vivent mes œuvres au grès de mon parcours artistique, des cités anciennes du Pays de Corrèze aux bords de Loire… des coteaux de Bourgogne aux Landes de Gascogne…
du Bocage de Vendée aux Pays des Mauges, elles sont …. Images non figées, conteuses d’histoires.

Patinées par la pluie, le vent, le soleil, vos Regards…..

J’ aime à les redécouvrir ainsi….encore… puis repartir vers d’autres décors……

JieMBourasseau

+ d’infos sur jiembourasseau.com

Nicolas Fedorenko

Né au milieu d’un siècle de violence et de cruauté jusqu’alors inégalées, j’ai malgré tout connu des années d’insouciance, les vacances, les baignades, la maisonnette devant la plage avec sa table ronde et les matelas de varech. Où et quand aurais-je pu rencontrer une quelconque souffrance ?

Elle était là pourtant, dissimulée dans les inoubliables récits d’enfance de notre père, un exilé qui avait fui l’Ukraine de Staline et ne nous a épargné aucun détail de son odyssée.

D’abord il y a eu l’apprentissage aux beaux-arts d’Aix-en-Provence sur les pas de Cézanne, puis Nantes pour ses résonances surréalistes, Vaché, Breton, et enfin Paris où le bouillonnement des années 70 m’a permis de rencontrer des hommes et des idées neuves.

Finalement, comme mon activité de peintre s’affirmait, je suis devenu professeur à l’école des beaux-arts de Brest. Cela a été le commencement d’une vie consacrée à la Peinture. Cependant, une vie de peintre ne saurait se réduire à une liste, aussi fournie soit-elle, d’expositions, d’articles de presse, de récompenses. Les œuvres seules demeurent et disent qu’un être a existé, qu’il a pensé, regardé, rêvé. (…)

Il y a eu enfin cet accrochage à Kerguéhennec, où un étrange sentiment d’abandon me prit, au moment où chaque tableau trouva sa juste place, faisant alors de moi un de ses constructeurs «de miroir-j’entends : tous ceux qui ont pour but le plus urgent d’agencer de ces faits qu’on peut croire être les lieux où l’on se sent tangent au monde et à soi-même1» ; et de cette exposition : comme un lieu inconnu de combat et de folie restant à conquérir.

1 Michel Leiris, Miroir de la tauromachie, Fata Morgana, 1981.